1.15.2015

Colore

Madame Moineau, petite et frêle demoiselle de l'ancien temps, s'agrippe aux branches de nos bras, appelle de sa petite voix perchée une présence réconfortante. Sa peau de plume vient caresser nos mains pour mieux les retenir contre elle, son regard désespoir forme une passerelle entre le noir de son âme et les couleurs de nos sourires. Madame Moineau a peur de l'immensité de ce monde qu'elle ne comprend plus, elle voudrait bien se réfugier dans le creux de notre main, comme un petit oiseau blessé. Un matin, alors qu'elle s'égare dans les dédales de ses pensées, je l'invite à entrer dans un cocon hors du temps et de l'agitation institutionnelle. De grandes feuilles recouvrent la table, des palettes ornées de généreux ronds de couleurs s'offrent à nous. Madame Moineau n'a jamais touché un pinceau, toute sa vie durant elle a fait sautiller ses doigts sur les touches métalliques de sa vieille machine à écrire... Elle observe un long moment ses semblables qui dans de petits gestes minutieux s'affairent à remplir le vide des feuilles. Puis progressivement, elle s'empare des plus vives couleurs, qu'elle dispose sur un large pinceau, associe les teintes, tantôt hésitante, tantôt décidée. Son regard semble se gorger de lumière, chassant ses obscures angoisses. Elle fabrique de la vie sur cette vaste feuille de papier, laissant libre cours aux réminiscences et apparitions, aux sensations et aux énergies, au surgissement de l'inattendu, à l'explosion de l'irréel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire